La sécurité alimentaire en Afrique de l’ouest est une fois de plus menacée avec l’avènement d’un nouveau type de maladie dans le domaine agricole. Il s’agit de la striure brune, une maladie qui s’attaque principalement aux tubercules de manioc, l’un des aliments les plus prisés dans la sous-région ouest-africaine avec ses plus de 300 millions d’habitants.
Cette maladie virale des racines également appelée ‘’l’Ébola du manioc’’ a été découverte pour la première fois en Tanzanie il y a huit décennies et se déplace progressivement vers l’ouest du continent africain. Etant donné que le manioc est consommé par près de 80% de la population ouest africaine, c’est une nouvelle menace de famine qui plane sur la sous-région et qui donne forcément des inquiétudes. Selon Monsieur Jan Helsen, responsable de l’Initiative régionale du manioc de la FAO, « La maladie se manifeste de différentes façons en fonction des conditions locales. Dans certains cas, les symptômes se limitent aux racines. Ce n’est que lors de la récolte qu’on peut s’apercevoir que les racines d”une plante en apparence saine ont été attaquées, avec les conséquences qui s’ensuivent logiquement pour la sécurité alimentaire ». Cette maladie qui touche le manioc, la « striure brune », pourrait provoquer une « catastrophe alimentaire », ont ainsi alerté tout récemment à Abidjan des chercheurs africains regroupés au sein du West African Virus Epidemiology for root and tuber crops (Wave) appelant à une riposte de la part des gouvernements. Interrogé à cette occasion par le magazine jeune Afrique, Monsieur Philippe Vernier, agronome spécialiste du manioc au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), s’est prononcé sur ce qui rend la menace plus sérieuse. « De nos jours, le matériel végétal circule beaucoup plus facilement d’un pays à l’autre et les productions ont été démultipliées. Le manioc est pour ainsi dire victime de son succès. C’est une plante dite à multiplication végétative, c’est-à-dire que les fermiers la cultivent en réalisant des boutures. On fait du manioc à partir de manioc, pas à partir d’une graine. Or c’est un aliment de base en Afrique centrale depuis longtemps. Et il le devient aussi de plus en plus en Afrique de l’Ouest. Le tout fait que les maladies se répandent plus vite et plus facilement », a-t-il relaté.
La striure brune du manioc est provoquée par un virus à ARN (Acide ribonucléique) dénommé le virus de la striure du manioc ou Cassava Brown Steak Virus (CBSV) en anglais. Cet agent phytopathogène qui est caractérisé par des particules virales allongées et filamenteuses, appartient au genre Ipomovirus et à la famille des Potyviridae. Le vecteur principal de ce micro-organisme nuisible est une mouche blanche, bemisia tabaci. Cet aleurode est un minuscule insecte piqueur-suceur mesurant 1 à 2 mm de long. Les symptômes de cette pathologie virale sont manifestes sur les feuilles, les tiges et les racines tubéreuses du manioc.
Au niveau des feuilles, une chlorose apparaît sur les bordures des nervures secondaires avant d’atteindre les nervures tertiaires. A un stade avancé de la pathologie, ces taches chlorotiques de couleur jaune et verte, affectent et endommagent toute la feuille. Sur les tiges, la chute des feuilles laissent transparaître des cicatrices foliaires sur lesquelles se forment des nécroses et des lésions de couleur brune foncée qui ont une forme semblable à celle des stries. La striure brune provoque des trous et un rétrécissement apical des tubercules de manioc ainsi que de petites fissures à la surface de l’écore. Une coloration jaune brune et des stries nécrosées sont observables à l’intérieur des racines. Cette nécrose liégeuse rend les tubercules impropres à la consommation.
Selon des scientifiques, la striure brune est nettement plus dangereuse que la mosaïque africaine du manioc, une autre maladie présente dans toutes les régions productrices du tubercule en Afrique subsaharienne.
Voilà qui interpelle les gouvernants et chercheurs ouest-africains quant à la multiplication des initiatives pour neutraliser cette maladie agricole aux allures dévastatrices.