BIODIVERSITE : Comment protéger le pangolin en Côte d’Ivoire?
Faut-il racheter, laisser vendre ou arracher de force les pangolins capturés par les braconniers afin de préserver cette espèce protégée en voie d’extinction? C’est le dilemme auquel était confronté Brice DELAGNEAU, jeune activiste très engagé dans la protection de l’environnement en Côte d’Ivoire.
De retour d’une mission qu’il a conduite avec son équipe dans les encablures de la forêt classée de Bossématié pour comprendre les mécanismes de conservation de ladite forêt par les communautés riveraines, c’est à une vitesse modérée que l’équipe de l’ONG AMISTAD se dirige sur Abidjan. La nuit commence à tomber, et bientôt le chauffeur devra allumer les phares du véhicule. Soudain le jeune activiste demande à son chauffeur de ralentir. . « Je viens de voir un pangolin mis en vente par un jeune braconnier » rassurera-t-il. Nous sommes à Agbaou, bourgade située à 4 km d’Akoupé et à 28 Km d’Adzopé, sur l’axe Abengourou-Abidjan.
A peine le véhicule immobilisé, 50 mètres plus loin, que cinq (05) jeunes courent vers ses occupants pour présenter leurs marchandises composées de trois (03) mangoustes fumés, un (01) agouti et d’autres gibiers dont un pangolin, seul survivant des offres. Chacun fait son prix. Le pangolin coûte 20 000 f cfa (30 €). Il fait tard. Nous sommes dans un village et devant nous se trouvent des jeunes illettrés qui ignorent certainement qu’ils sont pris en flagrant délit de possession et de vente d’une espèce animale protégée. Car selon l’article 87 de la loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant Code de l’Environnement en Côte d’Ivoire, il est interdit de :
– tuer, blesser ou capturer les animaux appartenant, aux espèces protégées
– détruire ou endommager les habitats, les larves, et les jeunes espèces protégées ;
– faire périr, endommager les végétaux protégés, en cueillir tout ou partie ;
– transporter ou mettre en vente tout ou partie d’un animal ou d’un végétal protégé.
Il n’est donc pas sûr que ces jeunes gens aient une bonne lecture de la situation. Alors faut-il racheter, laisser vendre à d’autres voyageurs ou arracher de force le pangolin capturé par le jeune braconnier ? Le jeune activiste décide de racheter l’animal malgré lui. « 10 000 f cfa (15 €) c’est mon prix. Je le prends à ce prix pour ton bien et celui de l’animal. Autrement, j’appelle les agents des eaux et forêts et tu finiras en prison. Parce que le pangolin est une espèce très protégée partout dans le monde » a précisé fermement Brice DELAGNEAU.
Les autres braconniers se concertent pendant plus d’une vingtaine de minute avant d’accepter l’offre qui en réalité n’est pas la bonne solution mais qui constitue le moindre mal pour la circonstance. Car « demain un autre ira chercher un en forêt pour que tu le sauves pour 10 000 f cfa. S’il te plaît, si tu veux sauver les pangolins n’achètent pas. Force la personne à te le remettre mais il ne faut surtout pas acheter. Acheter cela encourage le marché de prospérer » commentera sur facebook Perrine ODIER, une autre activiste basée en République Démocratique du Congo.
Racheter ce Pangolin n’est certes pas la bonne solution mais elle pourrait constituer une belle opportunité pour l’ONG AMISTAD de développer une opération de communication afin d’attirer l’attention des risques d’emprisonnement que courent les braconniers et les usagers qui s’approvisionnent en gibier d’espèces protégées sur les routes ivoiriennes.
L’Office ivoirien des parcs et réserves (oipr) a été identifié pour réceptionner ce pangolin. Mais avant, la procédure veut qu’il soit d’abord rendu à la direction de la faune du ministère des eaux et forêts, vu qu’il a été prélevé dans le domaine rural, a conseillé le Colonel Tondossama, directeur général de l’oipr, joint au téléphone. Ce pangolin continuera sa course probablement dans le parc national du banco dans le cadre d’un enrichissement plus tôt que dans une marmite comme l’aurait souhaité ironiquement plusieurs commentateurs sur la page facebook de l’activiste.
C’est en 2016, lors de la 17e Conférence des Parties (COP 17) de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES) à Johannesburg, que les Parties ont décidé que le mammifère le plus trafiqué au monde devait être protégé en urgence de la surexploitation : les huit espèces de pangolin ont été transférées de l’Annexe II à l’Annexe I, interdisant ainsi tout commerce international de parties de pangolins.
Rappelons que depuis la levée de l’interdiction de consommer le gibier suite à l’épidémie d’Ebola, les ivoiriens ont renoué avec les soupes à base d’agouti, de biche, et autres espèces animales sauvages protégées ou non. Les restaurants populaires souvent appelés « le zoo » ne désemplissent plus. Alors, à quand une opération de démantèlement de ces espaces et des procès à l’encontre de leurs tenanciers pour freiner le braconnage des espèces animales protégées en Côte d’Ivoire ?
La Rédaction (redaction@afriquegreenside.com)