L’une des mesures préventives prises par les autorités ivoiriennes contre la maladie à coronavirus est d’éviter les regroupements de plus de cinquante personnes. Si cette mesure est largement respectée dans l’ensemble, il n’en demeure pas moins que son application reste toujours difficile dans les marchés. Nous avons fait le constat au marché de Jean Folly, dans la commune de Port Bouet.
Ce samedi 21 mars 2020, il est 09 heures. Nous sommes au marché de Jean Folly, un quartier de la commune de Port Bouet. Force est de constater que l’ambiance n’a pas changé d’un seul iota. Elle reste la même que celle des autres jours de marché, notamment les mardis et samedi, jour où ce marché enregistre la plus grande affluence.
Difficile de se frayer un chemin dans cette marée humaine qui constitue une foule compacte dans laquelle les uns et les autres se frottent impunément comme si de rien n’était. Et ce malgré les nombreux messages lancés par les autorités sanitaires du pays en vue de stopper la propagation de la maladie. « Il faut absolument éviter les regroupements de plus de cinquante personnes, parce que c’est une maladie qui se propage très rapidement », indiquait Dr Bénié Bi Joseph, Directeur de l’Institut National de l’Hygiène Publique (INHP) sur les antennes de la télévision nationale ivoirienne vendredi le 20 mars 2020.
Ce message constituant d’ailleurs un mot d’ordre depuis la confirmation du premier de la maladie en Côte d’Ivoire, fait l’objet d’un suivi exemplaire dans la plupart des services à Abidjan. Dans certains supermarchés visités, en plus de l’utilisation obligatoire du gel hydro alcoolique l’accès est très limité. Seulement sept pour certains, dix pour d’autres ou tout au plus quinze personnes sont autorisées à entrer à la fois dans ces espaces commerciaux afin de respecter la distance d’au moins un mètre entre les individus comme recommandé par les autorités sanitaires.
Même son de cloche dans les structures financières. A Biétry, dans la commune de Marcory par exemple, nous sommes à l’entrée de la Bank Of Africa (BOA). Le vigile applique à la lettre les instructions laissées par les responsables de la structure. « Seulement cinq personnes ont le droit d’entrer simultanément au sein de la banque. Les autres doivent attendre », explique-t-il gentiment aux clients qui doivent absolument respecter la distance d’un mètre entre eux à l’intérieur comme à l’extérieur de la banque.
Quoi que l’urgence liée à la pandémie exige un plaidoyer auprès du Dieu Tout-Puissant, les guides religieux ont transmis ce message sensibilisateur à leurs fidèles : « Pas de rassemblement dans les lieux de culte ». Situation oblige. Eglises et mosquées sont donc fermées à travers le district d’Abidjan. Le vendredi 20 mars, la grande prière musulmane a été marquée par un silence total dans les mosquées. Même constat le dimanche 22 mars dans les églises. Même au niveau du transport en commun, les mesures de limitation du nombre de passagers et de lavage des mains sont plus ou moins appliquées.
Ces mesures ont alors obligé certaines entreprises à fermer momentanément en attendant que le coronavirus finisse son macabre épisode. «Nous sommes obligés de fermer jusqu’à nouvel ordre pour respecter les consignes du gouvernement », explique Charles Beugré, responsable d’un restaurant de la place.
Là où ces mesures restent difficilement applicables, c’est incontestablement dans les marchés. A Jean Folly justement où nous étions le samedi 21 mars, les populations ont évoqué quelques difficultés à appliquer cette mesure. « Cette mesure-là est vraiment difficile à adopter parce que si nous ne venons pas au marché, comment nous allons survivre ? », s’interroge Kouakou Clément, un riverain.
Tout comme lui, Kouassi Désiré, machiniste dans une compagnie de transport estime que la présence des populations au marché est loin d’être une désobéissance aux ordres du gouvernement. Pour lui, c’est plutôt une contrainte. « C’est une situation qui est compliquée pour nous tous. Surtout que les commerçants ne sont pas des salariés. Ils vivent au jour le jour. Les consommateurs aussi ne peuvent trouver les denrées alimentaires que sur le marché. Du coup il est inévitable de venir au marché. J’espère que l’Etat va trouver un mécanisme permettant de réguler la situation dans les marchés comme c’est le cas dans les véhicules de transport en commun sinon ce n’est pas facile ».
Tagro Elodie, cadre dans une structure de la place abonde dans le même sens. « Les mesures préventives du gouvernement sont salutaires. Tout le monde veut éviter la maladie, mais si nous venons nous attrouper au marché, c’est parce que nous n’avons pas de quoi à manger à la maison. On n’a pas le choix».
Visiblement la problématique des regroupements dans le cas spécifique des marchés reste jusque-là une équation à multiple inconnus posée par la maladie à coronavirus qui pendant ce temps continue de décimer le monde même si aucun cas de décès n’est signalé dans notre pays. Pour rappel l’on compte à ce jour (27 mars) 96 cas confirmés en Côte d’Ivoire et plus de 24 000 morts dans le monde.
GEORGES KOUASSI
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